Mary Ann Shadd Cary: Une pionnière des médias et de l’entrepreneuriat noirs
Mary Ann Shadd Cary. Bibliothèque et Archives Canada,
C-029977. Domaine public.
Certains héritages sont si puissants qu’ils continuent d’ouvrir des portes bien après leur époque. Pour Mary Ann Shadd Cary (1823–1893), être noire et femme au milieu du XIXe siècle signifiait que les occasions étaient extrêmement limitées. Pourtant, elle a défié tous les obstacles, redéfinissant ce que signifiait être entrepreneure, éducatrice et leader communautaire. Première femme noire éditrice de journal en Amérique du Nord et l’une des rares entrepreneures noires de son époque, Mary Ann Shadd Cary a jeté les bases qui façonnent encore aujourd’hui notre compréhension des médias et de l’entrepreneuriat noirs.
À une époque où les voix noires étaient largement exclues des médias dominants, l’existence d’un journal appartenant à des personnes noires était révolutionnaire. Le journal de Mme Shadd Cary, The Provincial Freeman, lancé en 1853 en Ontario, ne fournissait pas seulement de l’information; il offrait une tribune où les récits, les préoccupations et les aspirations des communautés noires pouvaient être écrits, diffusés et débattus selon leurs propres termes. Elle a utilisé cette plateforme pour militer en faveur de l’abolition de l’esclavage, des droits des femmes et de l’autonomie, des messages considérés comme radicaux à l’époque mais qui allaient devenir des idées fondamentales des mouvements de libération des personnes noires.
Son rôle d’entrepreneure fut tout aussi monumental. À une époque où les femmes étaient découragées d’entrer dans les affaires et où les communautés noires faisaient face à des restrictions systémiques en matière de propriété, d’éducation et d’avancement professionnel, Mme Shadd Cary a défié toutes les probabilités. Elle a recueilli des fonds, géré les opérations, révisé des articles et supervisé la distribution de son journal au Canada et aux États-Unis. Son journal fournissait de l’information pratique aux personnes noires nouvellement arrivées, défendait l’abolition et créait un espace pour les voix des femmes dans la vie publique.
Son esprit d’entreprise ne se limitait pas à l’édition. Elle a travaillé comme éducatrice, ouvert une école pour les enfants noirs à Windsor, puis poursuivi des études de droit, devenant ainsi l’une des premières femmes noires aux États-Unis à obtenir un diplôme en droit.
L’héritage de Mme Shadd Cary ne se résume pas à ses réalisations, mais aussi aux portes qu’elle a ouvertes pour d’autres. En affirmant que les communautés noires pouvaient et devaient raconter leurs propres histoires, elle a anticipé les mouvements dans les médias noirs, les droits civiques et le féminisme qui allaient se déployer bien après son époque. Son travail était à la fois novateur et profondément personnel. « J’ouvre la porte pour vous, pour les femmes noires, affirmait-elle, et je suis fière de le faire et d’essayer de créer un espace où vous pourrez avoir une voix. »
Plus d’un siècle après sa mort, Mme Shadd Cary continue d’inspirer des réflexions sur l’importance des médias appartenant à des personnes noires. Son courage entrepreneurial nous rappelle que le fait de raconter sa propre histoire est tout aussi essentiel au progrès que l’obtention de capital, la réforme des politiques ou les droits juridiques. En reconnaissance de cet héritage, l’Université Carleton lancera, le 6 octobre, une série de conférences en son honneur afin que son engagement envers l’éducation, l’entrepreneuriat et la justice continue d’inspirer les générations futures.