Rétablir la confiance, un lien à la fois : comment le CSEN redéfinit la sensibilisation dans le Nord canadien
Équipe d’entrepreneuriat de l’UNBC (de gauche à droite) :
Richard McAloney, Tracy Hall, Cynthia Williams, and Fryderyk Paczkowski.
Dans les collectivités les plus au nord du Canada, où les distances sont immenses et les réseaux, très soudés, joindre les entrepreneurs noirs exige bien plus que l’envoi de sondages ou l’organisation de webinaires. Il faut adopter une approche de sensibilisation ciblée et concrète — une approche que le Carrefour du savoir pour l’entrepreneuriat des communautés noires (CSEN) a patiemment perfectionnée grâce à la persévérance, au partenariat et à la constance.
Lorsque Tracy Hall s’est jointe au CSEN en 2023, elle a été confrontée à une question fondamentale : comment mobiliser les entrepreneurs noirs dans une région où les routes sont rares, les vols coûteux et la méfiance historique bien ancrée?
« Les modèles traditionnels de sensibilisation ne fonctionnaient tout simplement pas ici, » explique Mme Hall. « Nous devions être présents sur le terrain et établir des relations à partir de zéro. »
La région nordique, qui comprend le nord de la Colombie-Britannique et les territoires, présente des réalités logistiques et culturelles uniques. De nombreux propriétaires d’entreprises y fonctionnent sans dépendre fortement des médias sociaux, privilégiant les interactions en personne à la visibilité numérique. Les expériences passées avec des organisations externes s’étaient souvent soldées par des déceptions, laissant les communautés réticentes à s’engager.
Conscient de ces réalités, le CSEN a ajusté ses méthodes. Plutôt que d’organiser des événements centralisés, l’équipe a misé sur l’établissement direct de relations, en collaborant avec des institutions locales telles que l’Université du Nord de la Colombie-Britannique (UNBC) et l’Université du Yukon. Ces partenaires, bien ancrés dans les réalités de la vie dans le Nord, sont devenus des alliés essentiels.
« Ils comprenaient le territoire — non seulement sur le plan géographique, mais aussi dans ses nuances en matière d’établissement de relations de confiance », souligne Mme Hall.
La sensibilisation s’est également étendue au-delà du milieu universitaire traditionnel. Le CSEN a travaillé avec une association francophone de Prince George, ouvrant de nouveaux canaux pour rejoindre les nouveaux arrivants et entrepreneurs francophones qui, auparavant, avaient été laissés de côté.
Ce qui avait commencé comme une initiative de sensibilisation s’est transformé en quelque chose de plus durable. Les échanges avec les entrepreneurs ont permis de cerner des besoins récurrents : mentorat, soutien financier et ressources accessibles adaptées aux réalités régionales.
En réponse, le CSEN a appuyé la création du programme de mentorat et de bourses Magnifying Black Voices à l’UNBC. Conçu pour les étudiants noirs, tant canadiens qu’internationaux, ce programme combine une aide financière et du mentorat — une stratégie délibérée visant à répondre non seulement aux besoins matériels, mais aussi à briser l’isolement souvent ressenti dans le Nord.
L’une des prochaines étapes les plus ambitieuses est la tenue d’une conférence d’affaires prévue pour le début mars. Offerte en mode hybride, afin de tenir compte des contraintes de déplacement propres au Nord, cette rencontre réunira des entrepreneurs noirs chevronnés et de futurs propriétaires d’entreprise, créant ainsi un espace propice au mentorat et aux échanges entre pairs.
« Nous essayons de bâtir quelque chose qui dure au-delà d’un seul cycle de projet », souligne Mme Hall.
Une autre initiative clé consiste à élaborer un guide de ressources adapté aux entrepreneurs du Nord. Plutôt que de les orienter vers des services concentrés dans les grands centres urbains, ce guide les mettra en relation avec des systèmes de soutien régionaux.
Ce travail a mis en lumière l’urgence de repenser les pratiques traditionnelles de sensibilisation. Mme Hall estime que les futures initiatives de recherche devraient commencer par les communautés les plus difficiles à joindre, plutôt que de les considérer comme une réflexion secondaire.
« Établir la confiance prend du temps, explique-t-elle. Il ne s’agit pas seulement de recueillir des données; il faut créer des relations qui perdurent au-delà de la recherche. »
Bien que les efforts de sensibilisation du CSEN dans le Nord soient encore en évolution, les premiers résultats laissent entrevoir un modèle prometteur pour les institutions qui souhaitent interagir de façon significative avec des communautés souvent marginalisées. Grâce à des partenariats ciblés, une présence soutenue et une volonté d’écouter en premier lieu, le CSEN établit une nouvelle norme de sensibilisation qui met l’accent sur les liens humains.
« Le travail ne se termine pas à la fermeture du sondage, conclut Mme Hall. C’est là qu’il commence. »